Clin d'œil

Le grand bain

À l’heure où la capitale se questionne sur la qualité des eaux saumâtres de la Seine pour les épreuves de natation aux Jeux olympiques de Paris, remontons le temps et le courant du fleuve Rhône pour notre petit clin d’œil du mois.

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Bien souvent, un drame est à l’origine d’une décision prise par les pouvoirs publics d’autant que dans l’affaire qui nous occupe, il a touché une famille de notables avignonnais. Pensez, les deux fils de M. Vayson, juge de paix suppléant du tribunal du canton nord d’Avignon se sont noyés dans le Rhône le 17 août 1864.

Alerté par le commissaire central, le préfet de Vaucluse demande des comptes au maire d’Avignon Paul Pamard. Ce dernier assure que toutes les mesures ont été prises et que les noyades sont le fait d’imprudents. La ville a en effet créé une école de natation qu’elle subventionne à hauteur de 300 frs. Elle a également pris un arrêté pour interdire la baignade en dehors des espaces autorisés et mis le fleuve sous la surveillance de gardes-champêtres. C’est dire.

Le 30 juin 1865, le préfet Bohat revient à la charge et alerte le successeur du maire sur l’éloignement, l’insalubrité et l’incommodité de la « prétendue école de natation ». Les défauts de ce « bateau hors service » totalement inadapté justifient selon lui le peu d’attrait pour l’établissement. Il invite la municipalité avignonnaise à consentir un « sacrifice » afin de doter la population d’une véritable école de natation selon deux modalités au choix, une souscription ou un accord direct avec un entrepreneur. Il suggère également que la classe ouvrière bénéficie d’un accès gratuit à la baignade le dimanche.

L’année suivante, le dossier baignade sécurisée n’est toujours pas clos comme le rapporte le maire Paul Poncet dans son courrier daté du 1er juin. Il a effectivement pris contact auprès du préfet du Rhône afin d’obtenir « les noms de tous les entrepreneurs de bains froids à Lyon ». Malheureusement, l’unique fournisseur susceptible de faire l’affaire n’a pas daigné répondre. Or, la saison estivale approche et le maire a peu d’espoir de dégoter semblable perle sur Avignon, « même avec une subvention très considérable ».

Il faut attendre 1867 pour que la construction d’un « bateau de bains semblable à ceux en usage à Paris et à Lyon » soit adoptée en conseil municipal et confiée au sieur Antoine Vantaillat.

L’établissement public flottant devra être doté de 20 à 24 cabines, d’un hangar commun et d’un bassin de 36 m de long et 15 large. La commune s’engage à verser à l’entrepreneur une première enveloppe d’un montant de 10 000 Frs puis 2 000 Frs pour les 5 années suivantes au terme desquelles elle devient propriétaire de l’établissement. Le tarif des bains et serviettes est soumis à l’approbation de l’autorité municipale et l’accès au bain devra être gratuit le dimanche (hors cabines particulières).

Au XIXe siècle, l’enseignement de la natation est avant tout dispensé aux militaires, il faut attendre la fin du siècle pour que la population scolaire reçoive quelques rudiments. L’apprentissage de la nage se fait à terre, les mouvements s’exercent debout ou à plat ventre sur un tabouret, souvent dans le cadre de cours de gymnastique. La nage se pratique dans les eaux fluviales ou maritimes, les bains publics étant destinés avant tout à l’hygiène corporelle et à la détente. Après la Première Guerre mondiale, la France, très en retard sur l’Allemagne ou la Grande-Bretagne comptait une petite vingtaine de piscines. L’essor de la natation de compétition et les progrès dans le traitement des eaux vont contribuer au développement des piscines municipales. Depuis, les piscines privées se sont démocratisées, on en compte dans le pays aujourd’hui plus de 3 millions.

 

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