Les statuts communaux

Alors, à qui appartiennent les abeilles hors de la ruche et même dans la ruche ? Quelles sont les règles de bonne conduite, les infractions possibles et comment sont-elles réprimées ?

Une ressource documentaire inédite

Certains de ces textes nous éclairent sur quelques aspects de la vie rurale et les usages des communautés villageoises concernant les abeilles. Dispersés dans de nombreux fonds d’archives et de bibliothèques, parfois mal identifiés ou ignorés, les statuts ont été inventoriés et assemblés virtuellement dans un catalogue mis en ligne en 2018, formant une importante base de données de plus de cinq cents notices concernant aussi bien les statuts des villes que ceux des petites communautés rurales.


Ils se présentent comme une collection d’articles, qui, pour les communautés villageoises, ont trait surtout aux pratiques agraires, et dont la finalité est de lutter contre les mauvais usages : chaque article, le plus souvent une interdiction, est accompagné de la sanction prévue en cas d’infraction. Il s’agit là uniquement de peines pécuniaires.


Pour certaines communautés, les statuts traitent essentiellement de police champêtre, de tout ce qui est source de contestations possibles, susceptibles de nuire à la tranquillité publique. Textes bien vivants, renouvelés, modifiés et réformés tout au long du Moyen Âge et de l’époque moderne, les statuts disparaissent à la Révolution; mais leur influence a survécu dans les "usages locaux" et certains arrêtés municipaux du XIXe siècle.

Que règlent les statuts ?

Sous quels aspects plus réglementaires les statuts communaux nous permettent-ils d’apporter un éclairage sur les relations hommes /abeilles ?

Les textes répriment en premier lieu le vol des abeilles et du miel : à Venasque en 1638, défense "de prendre aux possessions ou appeyes d’autruy aucunes bresques sive mouches a miel dans leurs ruches sous peine de six florins" ; à Vacqueyras en 1620, "celui qui enlèvera une ruche payera 4 écus de jour et le double la nuit" ; même défense encore à Bonnieux en 1732, "sous la peine de six écus".

Plus encore que le vol, les statuts s’attachent longuement à réglementer les conditions de la capture de l’essaim.

En apiculture traditionnelle, l’essaimage est très fréquent et la grande question est de savoir à qui appartiendra l’essaim vagabond. Les textes sont souvent similaires : l’essaim égaré appartiendra au propriétaire des ruches les plus proches. La distance est bien entendu précisée, c’est elle qui autorisera ou non la "cueillette" de l’essaim : ce peut être à la distance d’un jet d’arbalète, comme à Malaucène en 1598, souvent à 100 pas (Mazan, Vaison) ou encore 150 pas (Faucon en 1786) ou même 200 pas (Malemort). Si toutefois l’essaim est poursuivi par son maître, cette mesure ne s’appliquera pas, à condition de le     "suivre à vue d’œil" (Venasque en 1638). Passé cette distance, l’essaim trouvé peut aussi être partagé entre le propriétaire du lieu où il s’est posé et la personne qui l’aura trouvé : ainsi à Malemort ou à Faucon en 1786  : "les essaims posés à plus de 150 pas appartiendront par moitié au maître du fonds où ils se seront posés et à celui qui les aura trouvés". Plus rarement, la capture de l’essaim n’est assortie d’aucune condition : c’est le cas à Séguret en 1654, où "tout le monde aura le droit de prendre un essaim sortant de ses ruches là où il ira".

Autre sujet qui nécessite des règles précises : la distance à respecter entre les ruchers de deux propriétaires. Pour lors, les textes des statuts s’accordent avec une belle unanimité : que ce soit à Malaucène, Sablet ou Mazan, la mesure est la même, au moins 100 pas entre les ruches de propriétaires différents (ou aussi 50 cannes), cette distance devant limiter tous les inconvénients occasionnés par un trop proche voisinage.

Enfin, contre toute attente, les statuts communaux ne réglementent pas ou très rarement la question de la distance à établir entre le rucher et les possessions d’autrui ou les chemins. Le seul exemple repéré est celui de Malaucène en 1763, où les statuts interdisent que l’on  "puisse mettre des ruches qu’à dix cannes de distance des possessions d’autrui, à moins qu’elles ne soient dans des endroits clos…". L’on verra que cette question agitera pourtant fortement les apiculteurs au siècle suivant…