Les sociétés musicales sérignanaises dans les archives

Il subsiste dans les fonds d’archives de la préfecture quelques traces de la naissance en 1900 de L’Indépendante - probable émanation d’une première société de musique instrumentale en activité vers 1870 - ainsi qu’une brève allusion à la bannière.

Une nouvelle partition pour L’Indépendante

Un jour de mai 1900, une réunion se tient au café Rouveyrol à Sérignan. Il règne comme un parfum de sécession. Henri Bourret, président de la société musicale L’Indépendante s’exprime sur l’absolue nécessité de refuser les subsides de la mairie pour l’entretien de la fanfare. Ce vœu d’émancipation, révélateur de la montée en puissance des idées républicaines sous la IIIe République, doit être tranché par le vote des membres musiciens. Sur 17 inscrits, 12 votent "pour", 4 "contre" et un seul bulletin blanc. L’affaire est entendue.

À l’issue du vote, on procède à la nomination de la nouvelle administration. Henri Bourret est conforté dans son poste ; Louis Estève est vice-président ; Barthélémy Boutin, trésorier ; Jules Brunel, secrétaire ; Victor Estève, chef de musique et François Chalas sous-chef.

Désormais, il convient de faire exister administrativement la nouvelle société.

Ministère, préfecture et sous-préfecture au diapason

Lorsque le 4 août 1900, le sous-préfet d’Orange adresse au préfet de Vaucluse une demande de création émanant de la société musicale L’Indépendante, il évoque dans son courrier l’excellente réputation de ses membres ainsi qu’une attitude politique "dévouée au gouvernement de la République".

Avant de prendre sa décision, le préfet recueille l’avis du Ministère de l’intérieur et des cultes. Le chef du 4e bureau des associations qui s'exprime sous-couvert du directeur de la sûreté générale n’a pas de motif d’opposition au projet mais il émet toutefois des conditions. Les statuts devront préciser certaines dispositions comme le lieu où se déroulent les répétitions ou bien encore la nécessité d’obtenir le consentement des parents pour les musiciens mineurs. Il interdit par ailleurs toutes discussions politiques et religieuses lors des réunions.

Courant août, le dossier de demande de constitution arrive en préfecture ; les statuts  sont amendés et la liste des membres de l’association est jointe. Sur le règlement figurent certains détails :

  • les répétitions se tiendront dans une des salles du café du Cours dont Henri Bourret est propriétaire ;
  • le port de l'uniforme n’est pas à l'ordre du jour ;
  • les prestations musicales souhaitées par la mairie ou à la demande d’un tiers seront payantes.

Il est également fait allusion à la bannière conservée aux archives en ces termes : "Actuellement, la société musicale L’Indépendante possède comme insignes une bannière et trois médailles sans valeur".

Le préfet valide par arrêté la création de L’indépendante  en date du 20 août 1900.

Aucune fausse note tolérée

Si le 10 octobre 1900, le sous-préfet d’Orange émit un avis très favorable à la formation de la société musicale L’Indépendante, il n’en fut pas de même pour la société musicale municipale qu’il juge "composée exclusivement de réactionnaires".

Il semble bien que l’instruction de ce dossier ait traîné quelque peu car le 4 décembre 1900, le préfet de Vaucluse reçoit du maire de Sérignan une relance pour la création de la fanfare municipale.

En réponse à la demande qui se fait pressante, le sous-préfet d’Orange requiert des modifications substantielles pour la constitution de cette deuxième société musicale sérignanaise. La clause obligeant l’orchestre à se rendre aux fêtes organisées par les autorités ecclésiastiques est supprimée (art. 7). De même que dans l'article 8, il est interdit de "donner des sérénades à Monsieur le curé".

Les articles additionnels indiquent que les musiciens "doivent être français et jouir de leurs droits civils et politiques" ; en outre, si les membres adoptent un uniforme, "les insignes ne devront pas être calqués sur ceux des armées de terre ou de mer". Il conclut ses préconisations par les conditions de forme que doit revêtir le dossier

Faute d’archives, la modeste enquête s’arrête là pour les deux harmonies. Les documents de la préfecture et de la sous-préfecture d’Orange n’ont pas livré d’autres "secrets" notamment sur les concours remportés par l’orchestre dans la décennie 1870 et la mairie ayant conservé ses archives, nous n’avons pas pu faire parler les délibérations, sources précieuses pour faire l’histoire des communes.