Clin d'œil

A l’assaut du "Géant de Provence" !

Février, c’est le mois tant attendu des vacances de neige. Impossible de ne pas convoquer pour l’occasion le point culminant des sommets de Vaucluse : l’incontournable mont Ventoux et ses 1910 m d’altitude (dernier chiffre officiel).

Publié le

Avant que le mont Serein sur le versant septentrional du Ventoux ne devienne dans les années 1920 une station de ski de proximité prisée des Vauclusiens, le "mont Chauve"- l'autre nom du Ventoux -, fut à la fois un objet d’études important pour les scientifiques et une muse pour les artistes. Il entama sa mue avec l’installation à sa cime d’un observatoire météorologique. À l'achèvement de sa construction en 1886, on rapporta que Jean-Henri Fabre s’exclama à sa vue "On a fienté sur le Ventoux !". Le bâtiment, occupé par des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, disposait d’un logement forestier en rez-de-chaussée. Aux beaux jours, ce trois pièces ainsi qu'une annexe en bois étaient mis en concession au profit de candidats hôteliers.

Probablement séduit par le potentiel et le pittoresque du lieu, François Hilarion Vendran, maître d’hôtel, cafetier et négociant de son état, fut de ceux-là. Il disposa de cet espace haut perché pour y créer une auberge et installer quelques lits de repos à destination d’une clientèle friande de nouveautés. Convaincu par son galop d’essai, l'aubergiste convoita un terrain attenant à l'observatoire pour la construction d'un hôtel. En février 1900, le conseil municipal de Bedoin approuva la concession à Vendran d’une parcelle d’un hectare au lieu du "Clapier de l’Ermite" section A n°99. Ce terrain, quoique totalement nu, était protégé par les clauses contraignantes du code forestier. L’inspecteur des forêts appuya le projet qui selon son rapport : "sera pour la commune une source de prospérité par l’attraction qu’un tel établissement exercera sur les touristes et les malades". La distraction de la parcelle du code forestier fut décrétée le 21 juillet 1900. L’hôtel de l’Observatoire du mont Ventoux - comme il était nommé alors -, sortit de terre entre la chapelle Sainte-Croix et le dernier virage de la route menant à l’observatoire.

Le 20 septembre 1903, le restaurant de l’hôtel est enfin inauguré. L’automobile club d’Avignon qui avait organisé une excursion - que l’on appellerait aujourd’hui course de côte -, offrit le buffet aux vaillants pilotes.  C’était le début des manifestations sportives internationales qui firent la renommée du mont Ventoux.

Celle du mont Serein doit attendre 1925. On la doit à Pierre de Champeville, professeur de dessin puis directeur du syndicat d’initiative de Carpentras. Passionné de ski, de cyclisme et de marche, il fit la promotion de ces pratiques sportives et soutint ardemment le projet de création d'une station de ski sur le Ventoux.

De nombreuses personnalités fréquentèrent l’établissement Vendran et noircirent les pages des livres d’or fort heureusement conservés par la mairie de Bedoin (cote archives 3 D 1-5). Le peintre provençal René Seyssaud fut de ceux-là, comme en atteste la jolie dédicace illustrée ci-après.

La belle affiche publicitaire du "Géant provençal" acquise récemment par les archives de Vaucluse, est postérieure aux "grandes heures" de François Vendran. En effet, Raoul son fils, figure dessus comme propriétaire de L’Hôtel du Mont-Ventoux. Or, c'est au décès de François en mars 1935 qu'il reprit l'affaire.

Outre son message fort "Ne quittez pas la Provence sans faire l'excursion du Mont-Ventoux", l’affiche, sortie des presses Rullière frères, foisonne de détails. Elle encense le sommet du "géant provençal" : "Alt 1912 m, Le plus beau panorama d'Europe, Visibilité jusqu'à 275 km des Alpes françaises et italiennes jusqu'à la mer Méditerranée" et ses belles routes nationales et départementale qui permettent d'accéder à sa cime. Elle vante aussi les qualités de l’établissement "les fameuses spécialités culinaires de l'hôtel du Mont-VentouxConfort moderne - cadre provençal" et ses prix modérés "Pas plus et même moins cher que dans la plaine". La typographie des messages est variée et les lettres d’un rouge écarlate pour le mont Ventoux dominent l’ensemble.

Le décor accentue aussi l’aspect imposant de la montagne. Derrière les slogans, l’illustrateur a représenté des conifères, puis le village de Bedoin au pied duquel trône le massif Ventoux. Son relief, d’un blanc quasi-immaculé auréolé d’un bleu éclatant, exalte le caractère suprême du géant provençal.

Si vous vous hissez jusqu’à son sommet, sachez que l’hôtel Vendran n’a pas disparu. S’il n’héberge plus de voyageurs, le commerce, sous le nom de Brasserie Le Vendran, a conservé l’activité restauration.

Le texte s'est inspiré d’un article dans les Carnets du Ventoux et de l’ouvrage de Franck Petit Envoûtant Ventoux.