Inventaire
Archives notariales et recherche historique : les fichiers et les notes du chanoine Requin
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Dégagé de charges pastorales en raison de sa mauvaise santé, l’abbé Henri Requin (1851-1917) eut tout loisir de se livrer à son goût de la recherche historique en passant de longues journées dans les bibliothèques et les services d’archives à dépouiller et recenser les sources de l’histoire de l’art à Avignon et en Provence. Très tôt, le jeune ecclésiastique fut attiré par l’étude de l’architecture, de la sculpture et de la peinture en Provence ; son passage comme vicaire à Carpentras lui donna l’occasion de parcourir la campagne et de découvrir dans les églises les œuvres des sculpteurs Bernus, auxquels il consacra dès 1885 sa première publication.
Son retour la même année à Avignon le poussa vers les archives départementales, nouvellement installées au palais des Papes, qui reçurent en 1883 puis en 1891 les premiers dépôts de registres notariés de la ville. L’abbé Requin en entreprit dès lors des consultations et des dépouillements systématiques, les prolongeant ensuite chez les notaires d’Avignon qui conservaient dans leur étude des centaines de registres remontant pour les plus anciens au XVe siècle. Ses prises de notes se firent méthodiquement sur des cahiers, notaire par notaire, et registre après registre, relevant en priorité tout ce qui pouvait toucher les artistes, les artisans, les commandes et prix-faits d’œuvres d’art, puis élargissant son propos aux institutions de la ville, aux communautés religieuses, aux familles, à la topographie ; des cahiers, il transférait ensuite ses informations sur des fichiers, accumulant les fiches en récupérant des cartes de visite, réunissant des matériaux pour son grand projet de dictionnaire des artistes et artisans d’Avignon et du Comtat Venaissin.
Ses centres d’intérêts étaient multiples : il fut un des premiers historiens reconnus de l’école de peinture d’Avignon en étudiant d’après les sources d’archives les peintres primitifs des XVe et XVIe siècle, révélant des artistes quasiment inconnus jusque-là, attribuant en 1889 au "Couronnement de la Vierge" de Villeneuve-lès-Avignon après en avoir découvert le prix-fait, le nom de son auteur, le peintre Enguerrand Quarton. Il publia également des articles sur les origines de l’imprimerie à Avignon, croisant le fer avec son collègue Gustave Bayle, et se passionna pour l’étude des faïences de Moustiers auxquelles il consacra un ouvrage. Photographe amateur, il fixa sur la pellicule plusieurs monuments d’Avignon et de la région.
Nommé par l’archevêque d’Avignon archiviste diocésain et chanoine honoraire, l’abbé Requin, était membre de plusieurs sociétés savantes, dont l’Académie de Vaucluse où il donna maintes communications, lui réservant dans ses Mémoires plusieurs articles de premier ordre. Ses publications furent également reçues dans les revues renommées de la Réunion des Sociétés des Beaux-Arts, du Comité des travaux historiques et la Revue de l’art. En 1905, l’Académie des Beaux-Arts le nomma membre correspondant de l’Institut de France, et en 1913, la ville d’Avignon l’appela comme premier conservateur du palais des Papes où il jeta les bases d’un ambitieux projet de musée des arts méridionaux.
Cet infatigable et bouillonnant chercheur, au fort tempérament, a laissé à la postérité, outre son dictionnaire manuscrit des artistes (resté à l’état d’ébauche mais comptant tout de même 11 volumes de notices), une cinquantaine d’articles qui ont renouvelé l’histoire de l’art en Provence.
Les chercheurs lui sont particulièrement reconnaissants d’avoir également laissé ses précieux fichiers qui, cent ans après, sont encore considérés comme des instruments de recherches. Conservés en partie aux archives départementales de Vaucluse et à la bibliothèque municipale d’Avignon, réunis virtuellement dans le présent inventaire, ils ont fait l’objet d’une première tranche de travaux de numérisation permettant désormais leur consultation en ligne ; une seconde tranche est prévue d’ici la fin de l’année 2022. Si leur compréhension est étroitement tributaire des méthodes de travail du chanoine Requin (et exige de ce fait un petit mode d’emploi), ils n’en représentent pas moins de véritables clés d’accès aux riches fonds d’archives des notaires d’Avignon.