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Du Nord au Vaucluse, d’une guerre à l’autre

Les archives de Paul Van Obost retracent le parcours d’un homme qui s’est profondément impliqué dans la défense de son pays durant les deux guerres mondiales. Presque plus riche d’objets que de papier, ce petit fonds d’archives privées conserve aussi le souvenir d’un citoyen modèle, doté de l’esprit d'entreprise et engagé auprès des siens comme de la collectivité.

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En décembre 2018, Mme Monique Cadot se manifeste auprès des archives départementales de Vaucluse pour remettre "quelques affaires" ayant appartenu à son grand-père, ancien poilu, Paul Van Obost. Les commémorations nationales autour de la Grande guerre viennent de se clore mais les opérations liées à la Grande collecte se poursuivent.

Ce don d’archives présente pourtant une particularité.  En effet, si Mme Cadot, retraitée de l’enseignement, vit dans le Vaucluse depuis 34 ans, son grand-père en revanche n’a aucun lien avec notre territoire. Mais l’attachement de notre généreuse donatrice au département, le caractère inédit de ce petit fonds et l’itinéraire méritant de Paul Van Obost auront raison de nos hésitations.


Les archives de Paul Van Obost sont intéressantes à plus d’un titre. Outre les documents militaires, elles concentrent un certain nombre d’objets que l’on nomme aujourd’hui "artisanat (ou art) des tranchées"  qui viendront enrichir le petit musée du service. Elles illustrent ensuite les métiers exercés par Paul Van Obost, dans la chaussure et la maroquinerie ainsi que l’économie de guerre. Et enfin, elles éclairent sur le parcours d’un homme, témoin et acteur des deux conflits majeurs du XXe siècle.

Fils d'un fabricant de chaussures lillois, Paul Corneille Van Obost (1894-1966) perd son père en 1910. Soutien de famille à 17 ans, il poursuit l’activité de confection paternelle et parfait ses connaissances en prenant des cours du soir en comptabilité, dessin industriel et mécanique.

Mobilisé dès le mois d’août 1914, Paul intègre le 107e régiment d’infanterie d’Angoulême. Admis aux élèves sous-officiers, il se porte volontaire comme simple soldat en renfort sur le front. Engagé dans la bataille de la Marne, en Artois – dont il relate un épisode - et sur la Somme, il va connaître en 1916 la bataille de Verdun durant laquelle son régiment subit de lourdes pertes. Son courage et ses faits de guerre seront récompensés par des médailles et des citations. Maintenu dans son régiment jusqu’au 22 juin 1918 avec le grade de caporal, il est détaché à l’aviation (école théorique d’aviation de Longwy, école de pilotage à Vineuil) mais il n’a pas le temps de passer son brevet en raison de l’armistice. Il rejoint la vie civile en août 1919.

Après le conflit, il épouse Suzanne Rohart. De cette union naissent deux filles. La première, Odile, née le 18 avril 1920, est la mère de Monique Cadot. La seconde, Geneviève, née le 7 novembre 1921, décède un mois après. Le couple s’installe en région parisienne où Paul exerce d’abord la profession de fabricant de chaussures puis celle de représentant de commerce. En 1931, il dépose auprès de la Direction de la propriété industrielle deux brevets pour un système de tissage de débris de cuir et une machine à fileter.

Début 1940, Paul Van Obost est mobilisé. Il se retrouve à Jeumont, à la frontière belge en qualité de militaire non armé. La débâcle le fait refluer avec les réfugiés jusqu’à Amiens. Arrêté par l’armée allemande avec une quinzaine d’hommes, le groupe parvient à s’échapper de la grange où il est détenu. Après sa démobilisation à Magnac-Laval, il décide de quitter Champigny-sur-Marne alors en zone occupée pour un département moins exposé ; il se fixe avec sa famille à Issoudun.

C’est dans les locaux d'une ancienne peausserie désaffectée d’un quartier de la ville, rue Bat-le-Tan, qu’il implante une entreprise de confection de chaussures. En raison de la pénurie de matière première, il a l’idée de les fabriquer à partir de vieux souliers ; ses 27 salariés réalisent jusqu’à 2000 paires de chaussures par mois. Parmi ses employés se trouvent un juif, des réfractaires au STO et des officiers de l’armée de l’air évadés.

Après la guerre, c’est le retour à Champigny-sur-Marne où il reprend l’activité de maroquinier jusqu’en 1964.  Il fabrique et commercialise des articles de qualité sous la marque "Vano". Sa disparition en 1966 sera saluée et son parcours exemplaire fera l’objet de nombreux éloges.