Clin d'œil

Imprimatur

Comme une antienne, la rentrée littéraire fait la une avec son offre de lecture à la fois composite et pléthorique. Mais publier ne fut pas toujours chose aisée, revenons quelque 270 ans en arrière lorsque la censure de l’Église mettait à l’épreuve.

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Au XVIIIe siècle, dans les États pontificaux, pas moins de trois personnages centraux exercent - avec parfois des divergences d’appréciation - la police de l’imprimerie : le vice-légat, l’archevêque et le juge de l’Inquisition. Si les ouvrages religieux soumis à l’imprimatur font florès, les œuvres profanes et a fortiori libertines, ont peu d’espoir de paraître. Pour contourner la censure de l’Église, la corporation est contrainte d’imprimer clandestinement les productions licencieuses et de les diffuser "sous le manteau". Lorsqu’il est pris la main dans le sac, l'impudent peut se voir appliquer diverses sanctions : inévitablement, la confiscation des exemplaires incriminés, parfois le paiement d’une amende pouvant aller jusqu’à 300 livres et/ou une peine de prison. Selon la gravité de la faute, la punition peut aller jusqu’au châtiment corporel.


Pour avoir imprimé un recueil de contes et de nouvelles grivois, Les Contes de La Fontaine, trois "typographes" ont compris à leur dépens qu’il était bien difficile d’échapper au contrôle des autorités religieuses.

Le 29 octobre 1754, le représentant du Saint-Office d’Avignon, le révérend père Jean-Baptiste Mabil, inquisiteur général, siège, en présence des consulteurs et de l’avocat fiscaliste Rigaud. Parmi les affaires portées devant le tribunal, celle qui met en cause les imprimeurs à l’origine de la publication de l’ouvrage contraire aux bonnes mœurs : Joseph Daniel Hirschner, maître-imprimeur et libraire à Avignon en 1741 ; Jean Joseph Louis, Chabrier maître-imprimeur et fondateur du corps des imprimeurs ; Joseph Venance Fuzier, imprimeur à Tarascon. Joseph Hirschner et Joseph Chabrier sont excommuniés pour leurs actes et condamnés pécuniairement. Mais le Saint-Office fait parfois montre de clémence dans ses conclusions. Pour leur épargner la double peine, les deux hommes peuvent prétendre à l’absolution à la condition formelle qu’ils dédommagent l’offense faite à l’Église selon le barème des amendes en vigueur.

Le Livre des conclusions des consulteurs du Saint-Office d'Avignon ne donne pas les suites de l’affaire. Toutefois, chacun des imprimeurs ayant continué à exercer, le premier jusqu’en 1759 et le second jusqu’en 1771, on se plaît à imaginer que rachat de la faute il y eut et pardon obtenu.

 

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