Gens de Vaucluse

Paul Pons dit "Le Colosse"

Vainqueur du championnat du monde de lutte gréco-romaine en 1898, le sorguais Hyacinthe Pont inaugure une nouvelle rubrique consacrée aux figures vauclusiennes, qu’elles soient illustres ou plus confidentielles. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de cet athlète fameux qui fit le bonheur des chroniqueurs sportifs.

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Hyacinthe naît le 7 février 1864 Grande rue à Sorgues. Il est le fils de François Pont, cultivateur et de Marie Argency "sans profession", âgés respectivement de 35 et 34 ans.


Un article du regretté Raymond Chabert complète cette biographie succincte. Paru dans le n°3 des Études sorguaises Regards proches et lointains, il évoque l’itinéraire de cet homme connu du public sous le nom de Paul Pons : "Son enfance se déroula près du pont sur la Sorgue, au nord du bourg, dans une famille pauvre comme Job" ; "[il] commença tout jeune à lutter. À sept ans, il parvenait à faire toucher les épaules des bambins plus âgés que lui."  À dix ans, Paul est déjà très grand et "maigre comme un fil, affligé d'une gaucherie dont on ne peut se faire une idée". Son apprentissage chez un forgeron contribue à sculpter son corps  et le dote de bras puissants. À 16 ans, il mesure déjà 1,95 m.

Encouragé par sa victoire en 1880 à un concours de lutte pour la foire de Vedène, le jeune Paul Pons enchaîne les participations aux compétitions organisées dans la région d’où il sort régulièrement vainqueur. Son nom commence à circuler. Sa rencontre avec le lutteur Pietro Dalmasso qui repère instantanément son extraordinaire potentiel, se révèle déterminante. Paul, encore mineur, obtient le consentement de ses parents pour suivre Dalmasso à Bordeaux. De fêtes foraines en salles de spectacles, le lutteur sorguais se perfectionne. Il affronte des lutteurs professionnels dans des combats souvent mis en scène. Après la foire de Bordeaux, il suit une troupe de lutteurs qui le mène à Marseille pour une tournée. Il rejoint ensuite Paris où il fait une entrée remarquée aux Folies-Bergère en 1888. Il a 24 ans, pèse 118 kg et chausse du 50.

Ces opportunités lui ouvrent les portes d’une discipline en constante évolution. Codifiée par des sportifs français et encadrée par une règlementation stricte, la lutte gréco-romaine se professionnalise. Dans la carrière de "l’Hercule vauclusien", le premier des combats qui ait compté est celui qui l’oppose à l’Anglais Tom Canon en 1891. Après cette victoire, peu de sportifs osent le défier. Il faut attendre 1894 et l’arrivée dans la capitale  de trois lutteurs turcs prêts à en découdre. Cette année-là, Pons est battu par le "féroce et orgueilleux" Yousouf.

En 1897, M. de Lucenski, directeur du Journal des sports, souhaite ardemment organiser le premier championnat du monde de lutte. Son opiniâtreté se révèle payante puisque la manifestation se tient l’année suivante, elle réunit une trentaine de compétiteurs. Paul Pons sort grand gagnant de ce tournoi devant le Russe Pitlazinski, il est le premier champion du monde de lutte. En 1899, pour le 2e championnat, il est déclaré forfait en raison d’une blessure à la jambe.


Paul a élu domicile à Paris au 11 avenue des Tilleuls dans le 18e arrondissement où il possède un petit gymnase. Le 10 octobre 1900, il se marie dans la capitale avec Marie Conrié. Les racines de son épouse, Tarn-et-Garonnaise par son père et Lot-et-Garonnaise par sa mère, ont peut-être influencé les investissements du Sorguais. Il fait en effet l’acquisition de biens immobiliers dans le Lot-et-Garonne : à Agen, un immeuble situé 67 cours Victor Hugo et une maison au 70 cours Mirabeau et à Pont-du-Casse une propriété de 3,5 hectares.

Aux Folies-Bergère, le colosse remporte de 1902 à 1904, la Ceinture d’or. Durant les années qui vont suivre, un brin usé mais toujours pugnace, Pons continue la compétition. En 1907, lors du championnat du monde, il est vainqueur du champion d’Europe Jacobus Koch. Battu en finale en 1908, il abandonne définitivement le tapis de la lutte dite française à l'époque, pour laisser la place aux jeunes nouveaux venus.

Fort d’une carrière exceptionnelle, le lutteur met à profit son expertise et son expérience en collaborant à la rédaction de récits biographiques et de traités sur la discipline : Lutte et lutteurs, avec L. Manaud, directeur de la Bibliothèque des sports (1904) ; La Vie au grand air, revue illustrée sur tous les sports (1907-1908) ; Le sport universel illustré (1901), ...
 
Durant toutes ces années, fidèle à ses attaches, il est souvent revenu à Sorgues. "Très admiré par les petits Sorguais, il n'hésitait pas à jouer avec eux, sa passion était de les jeter dans la rivière toute proche" écrit Raymond Chabert. Et c’est dans la Garonne d’Agen qu’il perd tragiquement la vie au cours d’une partie de pêche au filet le 15 avril 1915.