Inventaire
Plaidoyer pour un révolutionnaire : les papiers Joseph Jacques Fouque
Publié le
Soigneusement conservés par ses descendants qui à la suite de leur ancêtre, se sont fixés dans la région toulousaine pour fuir une réputation trop controversée, les papiers, ou plutôt le gros dossier de documents réunis de son vivant par Joseph Jacques Fouque (1761-1829) pour assurer sa défense, sont entrés aux Archives départementales de Vaucluse en 2018.
Le faïencier de Moustiers et d’Apt, descendant d’une lignée d’artisans reconnus, est très tôt entré en politique, aux premiers jours de la Révolution française. Membre de la garde nationale et maire d’Apt en 1790, élu à l’administration du district, membre actif de la société populaire, Fouque se fait vite remarquer par ses prises de position et par son éloquence. C’est un « jacobin » qui en septembre 1793, est désigné par l’assemblée électorale du nouveau département de Vaucluse pour occuper les fonctions de président du tribunal criminel de Vaucluse, appelé à juger dès l’hiver 1793-1794 les « ennemis de la Révolution ». Proche du représentant du peuple Maignet, il reçoit mission en floréal an II de transporter le tribunal criminel à Bedoin pour y juger l’affaire de la chute d’un arbre de la liberté prise très au sérieux par les représentants du gouvernement révolutionnaire ; l’affaire de Bedoin se traduit par 63 condamnations à mort et la destruction du village, rayé de la carte et dénommé dès lors Bedoin l’infâme. Fouque remplit ensuite diverses missions de confiance dues à la protection de Maignet, dans des opérations de maintien de l’ordre ; en 1794, le tribunal criminel est suspendu au profit d’une commission révolutionnaire établie à Orange, où Fouque ne siège pas.
Au 9-Thermidor, la roue de la fortune s’inverse, et Fouque, qui a trouvé refuge à l’armée d’Italie, est dénoncé comme chef du jacobinisme aptésien, dénonciateur de victimes envoyées à l’échafaud, responsable de la sentence de Bedoin, initiateur de diverses mesures spoliatrices, etc. Réfugié dans sa ville d’Apt, il subit représailles et calomnies, et sa fabrique est mise à sac. Ses ennuis se prolongent sur le plan judiciaire, car les magistrats de Carpentras n’ont de cesse d’obtenir son inculpation et sa mise en examen à un moment où bon nombre d’anciens jacobins sont poursuivis pour répondre de leurs actes passés au pire moment de la Terreur rouge.
Fouque multiplie les attestations, les certificats et les courriers, rédige des mémoires de défense, fait imprimer ses plaidoyers ; arrêté et écroué à Carpentras le 28 pluviôse an VI, il est finalement relaxé le 12 ventôse an VI (2 mars 1798). À cette date, sachant que son avenir est compromis à Apt, il préfère s’exiler avec les siens et se réfugie à Toulouse où il reprend des activités de faïencier, avant de décéder en 1829.
La mise en ligne de cet inventaire, qui s’accompagne d’une numérisation de la totalité des documents qui constituent ce dossier étonnant de plaidoyer pro domo, constitué par Joseph Jacques Fouque lui-même, intervient alors que le musée de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) présente dans ses murs une exposition intitulée La saga des Fouque et Arnoux, une dynastie de céramistes du XVIIIe au XXe siècle qui relate le parcours, de Moustiers à Toulouse et jusqu’aux États-Unis de ces faïenciers et de leur production.
Autour de l'inventaire :
- l'article de Pierre Vaillandet sur "L'Affaire de Bedoin"
- l'exposition au musée de Saint-Gaudens
- le dossier pédagogique, L’affaire de Bedoin. Un exemple de Terreur provinciale
- L'Infâme Bedoin, lecture d'archives sur "L'Affaire de Bedoin"