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Réorganisation territoriale et Révolution : le fonds de l’administration départementale de Vaucluse de 1793 à 1800

Dernier né des départements français, le département de Vaucluse est atypique par sa composition territoriale, résultat d’un assemblage géographique artificiel, et par son histoire mouvementée au cours de la décennie révolutionnaire

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Le 87e département français, dénommé par la Convention « de Vaucluse » en évocation de la célèbre Fontaine, est né le 25 juin 1793 au plus fort des tensions politiques. À peine apaisée par une réunion à la France qui mit fin à la guerre civile, la Révolution avignonnaise de 1790 cède la place en 1793 à la crise fédéraliste qui embrase le Midi provençal, tandis qu’à Paris Girondins et Montagnards s’affrontent au détriment des premiers qui furent évincés. Face à l’insurrection de larges parties du pays dont la Provence et le couloir rhodanien, la Convention montagnarde estime pouvoir faire barrage à la « montée » des Marseillais, en créant de toutes pièces, au nord de la Durance, sur des terres qui lui sont plus favorables, un nouveau département ; ce sera un département aux contours homogènes mais fort composite, qui réunit des entités jusque-là séparées, les deux anciens États pontificaux d’Avignon et du Comtat Venaissin, l’ancienne principauté d’Orange, une partie de la Provence jusqu’au comté de Sault, quelques terres du Dauphiné comme Suze-la-Rousse et Tulette. Le chef-lieu est fixé sans discussion à Avignon qui a suffisamment donné de preuves de fidélité à la Convention.

L’élection des nouvelles autorités départementales en août 1793, puis l’installation de l’administration (un conseil général et un directoire, semblables aux autres départements français qui fonctionnent depuis 1790) le 4 septembre 1793 s’effectuent en pleine crise de répression du fédéralisme, alors même qu’à l’extérieur, le pays est en guerre depuis un an.

Atypique, cette création l’est également pour les institutions mises en place et les vicissitudes rencontrées : le conseil général du département de Vaucluse ne vécut que quatre mois, emporté par l’instauration du régime d’exception décrété par le Comité de salut public au mois de nivôse an II (janvier 1794). Le directoire exécutif du département lui survécut, mais sous la férule des représentants du peuple envoyés en mission dans les départements, dont le redoutable Maignet, qui pourchassant toute résistance, installe un régime de Terreur jusqu’en thermidor an II. La fin de la « Terreur rouge » ne met pas fin aux troubles politiques dans un climat de tension extrême et d’assassinats, que les administrateurs et les représentants du peuple successifs, au gré des épurations dont ils firent l’objet, eurent bien du mal à maîtriser.

Le fonds d’archives de cette nouvelle administration départementale, mise en place en 1793 et qui termine son existence sept ans plus tard en 1800, avec l’arrivée du premier préfet et l’instauration d’un nouvel ordre, est le reflet de cette histoire politique mouvementée ; mais il révèle les efforts de la nouvelle administration pour organiser le département et faire face aux nécessités. L’action administrative s’appuie sur les districts (supprimés en l’an IV) et sur les municipalités. La question de la guerre et de l’approvisionnement en subsistances accaparent l’attention ; la situation des finances et la liquidation des dettes de l’Ancien Régime aussi. La vente des biens nationaux devient une tâche prioritaire de l’administration centrale du département (qui a succédé en l’an IV au directoire exécutif et qui reçoit des districts l’héritage de continuer les ventes aux enchères) : de 1796 à 1800, les estimations et les ventes des biens ecclésiastiques et des émigrés reprennent et s’accélèrent. L’assistance et la santé, l’instruction publique, l’industrie et le commerce, les arts, sont des sujets également abordés, avec moins de succès, par l’administration.

Les registres de délibérations, de procès-verbaux de vente des biens nationaux, qui ont fait l’objet d’une numérisation pour faciliter leur consultation, les registres d’enregistrement de la correspondance, la tenue de nombreux dossiers plaident en faveur d’un fonctionnement administratif bien rodé mis au point au cours de cette décennie, par des bureaux structurés et des commis compétents ; en 1800, l’administration préfectorale en tirera profit.