Clin d'œil

Un déluge

« Que d’eau, que d’eau ! » seraient les mots prononcés par le maréchal-Président Patrice de Mac Mahon en visite dans les communes ravagées par une des crues de la Garonne le 26 juin 1875.
Hier comme aujourd’hui, l’homme qui semble impuissant face aux caprices de la nature prend néanmoins le temps de constater et relater, comme le fit en 1616 un notaire de Malaucène.

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De l’époque moderne à nos jours, les débordements du Rhône, de la Durance, de l’Ouvèze, des Sorgues et autres cours d’eau qui irriguent le Vaucluse sont largement documentés dans les archives. Ce sont autant de sources pour étudier une multiplicité de thèmes : la prévention des risques, la restauration des ouvrages et des bâtiments, l’impact environnemental ou encore l'indemnisation des victimes. À titre d'exemple : les fréquentes crues dévastatrices du Rhône qui, avant d’être domptées par les barrages, rebattaient les cartes de la propriété foncière en transformant îlots et crémens fertiles. Une impermanence à l’origine de nombreux litiges et procès.

Le document en illustration, est en première page du registre tenu par le notaire de Malaucène Gabriel Mosterii en 1616. Il rapporte en quelques lignes un évènement pluvieux survenu entre le 21 et le 22 août de la même année. Dans les villages alentour comme les plus éloignés, un déluge s’est abattu, emportant tout sur son passage : les personnes, les récoltes, le bétail, les granges, les maisons ainsi que les parapets du pont de Vaison-la-Romaine. À Bédarrides, les jardins, les prés et les moulins se sont retrouvés au milieu de la rivière et à Carpentras, la foudre a détruit le moulin à huile de Jacques Servand. Il conclut sur les dégâts innombrables et les malheurs provoqués par les inondations qui nécessiteraient une année pour en dresser la liste.  Voici la transcription de son récit :

 

"Nota que l'année présente mil six cents seize et le
dimanche vingt unième aoust est tumbé ung
grand déluge en ce pays, qui a faict de grands
maux, ayant emporté plusieurs maisons
des villes et villages circonvoisins et même des
fauxbours de Vaison et les paravandes du
pont dudict Vaison, et emporté beaucoup de gens,
bleds, bestail, granges, tant à Carpentras, Bedoin,
Maudène, ayant emporté la plus grande partye des muralhes
et maisons de Bedoin de Pernes, emporté
la plus grande partye Bédarride, les jardins,
preds et molins que ce sont trouvés long la
rivière, et la foudre ayant mis le feu au
molin d'huille de sire Jaques Servand de Carpentras,
et faict plusieurs aultres grands maux que
faudroit tout ung an pour l'escripre"