Elzéar Genet, qui est donc cet homme méconnu de nos contemporains ?

S’il est peu connu aujourd’hui, Elzéar Genet (vers 1470-14 juin 1548) fut un célèbre musicien au début du XVIe siècle.

Des éléments biographiques rares...

Elzéar Genet est vraisemblablement né à Carpentras vers 1470, mais il est impossible de le vérifier dans les actes paroissiaux qui n’ont pas été conservés. L’utilisation du surnom Carpentrasso utilisé lors de son séjour à Rome pour le désigner laisse fortement supposer qu’il était natif de la capitale du Comtat Venaissin. L’ensemble des informations connues de la vie d’Elzéar Genet ont été explorées par le chanoine Requin dans les archives notariales de Vaucluse et les archives diocésaines, et plus récemment par Pierre Avon dans son livre Elzéar Genet, dit Carpentras, un musicien pour Dieu.

Elzéar Genet a très certainement été enfant de chœur mais il est difficile de dire où il a fait ses études musicales, littéraires et théologiques car on ne trouve pas de sources sur cet aspect. Il reçut les ordres ecclésiastiques vers 1505 et fut engagé à la chapelle d’Avignon. Il connaissait très certainement Giuliano della Rovere, ancien évêque de Carpentras (1471-1474) et archevêque d’Avignon (1474-1503), puisque celui-ci l’invita à le rejoindre à Rome lorsqu’il devint le pape Jules II. Elzéar Genet est ainsi nommé chantre de la chapelle pontificale en 1508. Selon Pierre Avon, Jules II «  l’a appelé pour son talent vocal reconnu et célébré, sa maîtrise de l’écriture polyphonique, et peut-être aussi grâce à l’existence d’une filière comtadine aboutissant à Rome en raison du tissu de relations et de liens établis par la hiérarchie ecclésiale ?  »

... mais un compositeur de musique sacrée reconnu de son vivant

En 1512, l’œuvre d'Elzéar Genet est réputée dans tout l’Occident chrétien et sa renommée est vaste, si bien qu’il part quelques mois à la cour du roi de France, Louis XII. Rappelé par Léon X en 1513, il est nommé maître de la chapelle pontificale pendant tout le pontificat de ce dernier (1513-1521). Cette fonction consistait à assurer la partie musicale des offices selon les souhaits du pape, à composer et faire chanter les œuvres pour l’animation des messes de la Chapelle Sixtine. Il compose ainsi à Rome des œuvres musicales et notamment des messes, des hymnes, des Magnificat, et les Lamentations de Jérémie qu’il a écrites pour être chantées pendant le triduum pascal.

Après la mort de Léon X, Elzéar Genet rentre à Avignon et devient doyen du chapitre de Saint-Agricol en 1522, et chanoine de la Métropole d’Avignon. Il assure son rôle de doyen avec générosité et rigueur, sans avoir de soucis pécuniaires. En effet, Léon X lui a accordé des bénéfices dont il gère les revenus tels que la succession de Jean Columbi de l’ordre des Frères Mineurs d’Avignon, mais aussi les prieurés de Châteauneuf-lès-Maguelonne, de Saint-Étienne-de-Tourves, de Taulignan, de Notre-Dame de Tournefort, de Barras, etc…

L’œuvre musicale

C’est à Avignon qu’Elzéar Genet entreprend de composer un corpus de pièces polyphoniques pour accompagner les offices de l’année liturgique. Afin de faire imprimer son œuvre musicale, il entre en contact avec Jean de Channey, originaire de Lyon, imprimeur de la ville d’Avignon installé place Saint-Didier depuis 1525. Un contrat passé devant le notaire Gérard Henrici le 2 janvier 1531 (Archives municipales d'Avignon, cote II 100, fol. 1 et suivants) fixe les conditions de cette impression. Celui-ci est rapporté dans l’ouvrage de Pierre Pansier, Histoire du livre et de l’imprimerie à Avignon du XIVe au XVIe siècle (tome II, Avignon, 1922, p. 73).
On retiendra ces quelques éléments intéressants :

  • l’ouvrage comprendra quatre volumes et sera tiré en 500 exemplaires :
    > Liber primus Missarum, Carpentras (15 mai 1532), premier livre consacré aux messes ;
    > Liber Lamentationum Hieremiae Prophetae ; Carpentras (14 août 1532), second livre contenant les lamentations de Jérémie ;
    > Liber Hymnorum Romae. Ecclesiae, authore Carpentras (non daté), troisième livre ;
    > Liber cantici Magnificat omnium tonorum, authore Carpentras (non daté)
  • Genet payera quatre livres par rame de papier employé ;
  • l’imprimeur sera tenu de se faire accompagner d’un imprimeur chantre pour la composition des notes ;
  • les caractères utilisés fournis par Étienne Briard, fondeur de caractères seront la propriété de Genet.

Les deux premiers volumes paraissent en 1532. L’impression des tomes 3 et 4 a ensuite rencontré des difficultés suite à un désaccord entre les deux parties. Aujourd’hui il n’existe plus qu’un seul exemplaire complet de ces quatre tomes conservé par la Bibliothèque impériale de Vienne.

In memoriam

Elzéar Genet meurt le 14 juin 1548 à l’âge de 78 ans, il est inhumé dans le chœur de l’église Saint-Agricol à Avignon. Une dalle a été posée derrière l’autel de cette église pour rappeler cette sépulture. Elzéar Genet n’a jamais été nommé évêque, il est appelé dans les actes «  protonotaire apostolique  ».

Après son décès, un office religieux a été célébré pendant la seconde partie du XVIe siècle à la date anniversaire de sa mort le 14 juin. On en relève la mention dans le livre des anniversaires du chapitre métropolitain d’Avignon, daté du XVIe siècle, qui note pour chaque jour le culte des anniversaires des défunts membres de la congrégation.