Jean-Henri Fabre

Le 11 octobre 1915, Jean-Henri Fabre décède dans sa propriété de l'Harmas à Sérignan-du-Comtat à l'âge de 91 ans. Le centenaire de sa mort est l'occasion de rappeler combien le Sérignanais d'adoption, autodidacte éclectique, reconnu pour ses travaux novateurs, fut une figure populaire et admiré en Vaucluse.
Les archives départementales conservent quelques traces de celui que Victor Hugo surnommait l’Homère des insectes. Nous vous proposons une petite incursion dans son univers au travers de documents variés dont certains recèlent parfois des témoignages inattendus.

Quelques éléments de biographie

Durant son enfance passée dans l’Aveyron où il est né à Saint-Léons le 21 décembre 1823, Jean-Henri Fabre développe très tôt une passion pour la nature et manifeste une forte envie d'apprendre. Or, l’instabilité professionnelle du père contraint bien souvent la famille à déménager, et les enfants font les frais d'une scolarité chaotique. À 14 ans, Jean-Henri est élève au séminaire de Toulouse mais les Fabre doivent à nouveau partir ; ils finissent par s’établir durablement à Avignon. À la même époque, l'adolescent, dans l'obligation de gagner sa vie, accepte toutes sortes d'emplois mais cela n'entame toutefois pas sa volonté de poursuivre des études.

Et sa ténacité est récompensée puisqu’il débute sa carrière d'instituteur à Carpentras à l’âge de 19 ans. Il épouse l'année suivante Jeanne Marie Césarie Villard, également institutrice dans la commune. Sept enfants naissent de cette union mais beaucoup décèdent avant d'avoir atteint l'âge adulte dont Jules, fils chéri et collaborateur passionné du naturaliste, qui décède en 1877

En 1879, il fait l'acquisition d'une propriété d'une surface de près d'un hectare dans le quartier des Grès à Sérignan-du-Comtat, c'est l'Harmas. Il dote ce lieu de vie d'un cabinet de travail et d'une serre, théâtres de ses expérimentations botaniques et entomologiques.

Après le décès de sa première épouse en 1885, Jean-Henri Fabre épouse en secondes noces le 23 juillet 1887, Marie Josèphe Daudel, fille de l’épicière du village ; ils auront trois enfants.

C'est dans le cadre délicieux de l'Harmas, auprès des siens, qu'il poursuit ses travaux jusqu'à ce qu’il s’éteigne le 11 octobre 1915.

S'instruire et instruire

Jean-Henri Fabre est un étudiant et un chercheur infatigable. Lorsqu’il  présente en 1840, un concours à l'école normale primaire d'Avignon pour devenir élève boursier, il est reçu. Le 23 juillet 1842, il demande l'autorisation au recteur de l'académie de Nîmes de passer l’examen du brevet supérieur, et il obtient le brevet de capacité d'instituteur le 4 août 1842. Fabre est le premier d'un classement établi en fonction du mérite, il reçoit les meilleures appréciations sauf en écriture. La même année, le jeune Fabre trouve un poste d’enseignant à Carpentras, et c’est en plein air qu’il dispense ses leçons de sciences naturelles.

Parallèlement à son activité professionnelle, il reprend ses études. En 1847, il décroche une licence de sciences mathématiques, en 1848 une licence de sciences physiques, en 1854 une licence ès-sciences naturelles et enfin, il obtient en 1855 un doctorat .

Parallèlement à son activité professionnelle, il reprend ses études. En 1847, il décroche une licence de sciences mathématiques, en 1848 une licence de sciences physiques, en 1854 une licence ès-sciences naturelles et enfin, il obtient en 1855 un doctorat .

En 1849, Fabre est nommé professeur de physique à Ajaccio. Durant quatre années, il explore la faune et la flore de l'île et transcrit ses observations ; il bénéficie des conseils d'Esprit Requien botaniste avignonnais et d'Alfred Moquin-Tandon zoologiste montpelliérain. Il revient enseigner sur le continent en 1853 et se fixe avec sa famille à Avignon.

Le ministre de l'Instruction publique en personne, Victor Duruy, lui confie en 1867 la création de cours du soir pour adultes mais ses méthodes d'enseignements déplaisent à certains et il démissionne de l’enseignement fin 1870. C'est un nouveau déménagement en perspective pour les Fabre. L'installation de la famille à Orange offre au scientifique l'opportunité de se consacrer pleinement à la recherche et à l’écriture. Les expéditions botaniques qu'il organise dans le mont Ventoux lui permettent d'enrichir notablement ses travaux.

 

 

Un savant aux talents multiples

Durant ses années d’enseignant, Fabre qui se consacre toujours à la botanique et à l’entomologie, s’intéresse à l'éthologie. Ses connaissances en chimie lui permettent de réaliser une étude sur la garance  et de déposer des brevets d'invention. Durant cette période, il va également publier de nombreux livres de vulgarisation des sciences, Chimie agricole paru en 1862 est son 1er manuel scolaire.

En 1866, la municipalité avignonnaise le nomme conservateur du musée d’histoire naturelle, aujourd’hui musée Requien.

Écrivain et poète à ses heures, ami de Roumanille et de Mistral, Fabre rejoint le félibrige en 1868. Il commence à cette époque la rédaction de Souvenirs entomologiques. En 1909, il publie aux éditions Roumanille Oubreto Prouvençalo dóu Felibre di Tavan, rambaiado pèr J.H. Fabre (Œuvrettes Provençales du Félibre des Hannetons recueillies par J.-H. Fabre)

En 1878, il écrit un essai sur les champignons Sphériacées du Vaucluse qu'il illustre de jolies planches, à découvrir à l’Harmas.

Humilité et notoriété

Pour autant, le savant qui possède des compétences variées en botanique, chimie, entomologie, littérature et peinture, demeure un homme d'une grande simplicité. Ses nombreuses distinctions, ses amitiés prestigieuses, les avancées scientifiques auxquelles il a contribué – sur les conseils de Fabre, Louis Pasteur va endiguer l'épidémie de pébrine qui décime la production de vers à soie en 1865 – n'altèrent pas sa nature profonde, l'homme reste modeste.

C’est cette même humilité qui lui interdit de réclamer des subsides lorsqu’il rencontre des difficultés financières alors que retraité depuis de nombreuses années, ses manuels scolaires ne se vendent plus. Aussi, en 1908, à l'initiative du préfet et pour permettre à Fabre de poursuivre ses recherches, le conseil général de Vaucluse vote à l’unanimité le versement d’une rente annuelle.

On évoque parfois une reconnaissance tardive de son travail. Pourtant, le 18 avril 1868, il est fait chevalier de la Légion d'honneur, et sera promu officier le 1er août 1910. Il est aussi membre de plusieurs académies dont l'Académie des sciences (au titre de correspondant). Sa renommée est grande à la fin de sa vie, comme en témoigne cette entrevue :  le 14 octobre 1913, il reçoit la visite d'un hôte illustre en la personne du président de la République Raymond Poincaré.

Cette visite d’importance va marquer les esprits des vauclusiens, comme le relate de façon piquante Laure Chaffard, une institutrice congréganiste, qui habite non loin de Sérignan, à Camaret.

Les anecdotes de Laure Chaffard sur le grand homme

Le 14 octobre 1913, de retour d'un voyage officiel en Espagne, le Président de la République Raymond Poincaré passant par Avignon, rend visite à Jean-Henri Fabre dans sa propriété de l'Harmas. Cet hommage inspire à Laure Chaffard des réflexions qu'elle couche sur une carte postale illustrée d'une photo de l'entomologiste :

Recto :
[Il habite Sérignan (Vse) dans sa propriété de le Harmas et s'occupe des insectes. Le 14 octobre 1913, il a eu l'honneur de recevoir M. Poincarré, Président.]

Verso :
[Oui, cet homme simple et modeste a eu le grand honneur de recevoir le Président de la République Poincarré. Nous sommes allés voir l'un et l'autre avec Elise, Marg. Marielle et Marie Clavel. La foule était assez grande et pour avoir de bonnes places il nous a fallu les prendre une heure à l'avance ; enfin nous avons bien vu Poincarré puis nous avons pénétré dans la propriété de Fabre et avons pu le voir dans son salon par la fenêtre ouverte. Il était tout ému de l'honneur fait à sa vieillesse (90 ans). Quand tout a été fini, nous avons repris toujours à pied, le chemin de Camaret. Le retour s'est fait en chantant.]

Le 14 octobre 1915, Laure Chaffard est présente dans la foule réunie pour saluer la mémoire de Jean-Henri Fabre, décédé le 11 octobre 1915. Elle observe l'assistance et en croque certains de cette façon : 

Verso :
[M. Fabre, le célèbre entomologiste est mort et on l'enterre aujourd'hui à Sérignan ; comme c'est jeudi, nous allons voir les gros bonnets qui honoreront le cortège de leur présence. En bécanes, nous y sommes vite et allons jusqu'à la maison mortuaire, d’où l'enterrement sort bientôt ; assez de monde, surtout de messieurs, d'officiers, deux préfets, des sommités, 7 prêtres ; notre curé fait diacre ; grand'messe, puis au cimetière où nous entendons 7 discours impis ; retour au cimetière avec Mme Dunan esquintée de cette course ; nous la laissons pour aller reprendre notre bécane et nous repartons sur Camaret. À l'enterrement, nous avons servi de bouches trous.]

EN SAVOIR PLUS SUR LAURE CHAFFARD
En 2012, Mme Chantal Berthelot a fait don aux archives départementales de Vaucluse des papiers personnels de sa cousine Laure Chaffard (1877-1960), institutrice libre à Camaret de 1905 à l'entre-deux guerres.
Chaque dimanche, Laure fait des excursions dans le département en compagnie de sa sœur Marie, et relate ses impressions au verso de cartes postales. Deux d'entre elles convoquent la mémoire de l'homme de sciences
Accéder à l'inventaire du fonds Laure Chaffard

 

Et pour les amoureux des insectes,