Une libération qui se fait attendre

"On entend parfois des bruits de canons…"

"Six mois avec les tovaritchs russes"

Automne 44, l’armée russe est aux frontières de la Prusse-Orientale. Le héros de notre récit observe des colonnes sans fin de réfugiés ukrainiens et polonais qui fuient les troupes. À cette époque, il met à profit son lien avec un camarade travaillant à l'infirmerie du stalag pour se faire poser des prothèses dentaires.

Janvier 1945, des régiments et des chars allemands se dirigent vers le front de l’Est, les anciens patrons de Robert sont contraints de quitter précipitamment leur boulangerie tandis que le stalag IB doit être évacué. Les avions survolent Hohenstein et mitraillent, "sans toutefois lâcher de bombes". Robert et ses camarades désertent le camp pendant des heures dans la neige et le froid et découvrent sur leur parcours des maisons détruites dans des villages abandonnés tels Biessellen et Pulfnick. Ils trouvent refuge dans un hangar et au petit matin, surprise, l’escorte allemande s’est envolée.

À Kastendorf, les prisonniers trouvent à se loger chez les quelques habitants restants. Dès le lendemain, Robert Roger et une vingtaine de camarades se font arrêter par deux soldats russes et déposséder des rares bijoux en leur possession. Après le sermon d’un officier russe sur la place de l’hôpital, ils réintègrent les maisons dans lesquelles ils s’étaient réfugiés. Durant la nuit, plusieurs soldats viennent les dépouiller, d’abord des Tatares, puis des Mongols et enfin des Ukrainiens. Pour se prémunir de toute action violente à leur encontre, les Français s’exclament à chaque intrusion "Tovaritch franzouqui !". Les hôtes allemands n’ont pas cette chance, le couple finit abattu sans motif par deux Russes passablement avinés.

26 janvier 1945, le convoi repart. Tout le long, ce n’est que spectacle de désolation : charrettes renversées, villages en ruines, cadavres de civils qui jonchent les routes. Les prisonniers ne sont quasiment pas nourris et dorment à même le sol sous des températures négatives pouvant atteindre les -30°. Arrivés à Soldau, ils sont logés dans des baraques à droite de l’entrée du camp.

Balade vers Odessa et retour au pays

À partir du 16 février 1945, les prisonniers de guerre sont en majorité cantonnés dans des chalets installés dans la forêt d’Urlé et ce, jusqu’à leur départ pour Odessa le 30 mai 1945 ; quelques-uns parviennent à bénéficier du gîte chez l’habitant polonais.

Durant ces six mois d’exil supplémentaires, les conditions de vie et les moyens de subsistance demeurent déplorables. Il fait froid, le pain fait défaut, les hommes doivent souvent se contenter de soupe de millet ou de soja. Dans ce contexte, certaines tâches peu engageantes apparaissent comme des opportunités pour améliorer l’ordinaire. C'est ainsi que Robert Roger se fait brancardier. La gare de Nasielsk accueillant des convois sanitaires, il participe à l’évacuation de blessés vers un hôpital sous chapiteau. Il témoigne des nombreux décès et des inhumations expédiées.

Durant sa captivité, il est amené à exercer aussi son métier mais dans des conditions plutôt surprenantes. Dans une boulangerie située à côté de la kommandantur, il fabrique avec ses camarades 12 heures par jour, des pains coulés dans des moules rectangulaires, à raison de 120 par fournée. En panne d’électricité, le pétrissage se fait manuellement et les moules sont graissés à l’huile de vidange !

Lorsque les hommes sont enfin libérés, un long périple les attend, à travers la Pologne, la Biélorussie et l’Ukraine jusqu’à Odessa. La ville portuaire est le point de départ du rapatriement des prisonniers, des déportés et des requis du S.T.O. du 23 mars jusqu’à la fin de l’été 1945, soit 33 091 rapatriés en provenance d'Odessa. Dans le cahier de notes, hormis quelques allusions et villes étape, Robert Roger ne fournit malheureusement pas de détails sur ce périple et son retour au pays.

En revanche, parmi les notes figurent des poèmes et des chansonnettes sur le stalag et les 6 mois passés sous la férule des Russes.

Poèmes et chansons

Textes de Jean Lancelot :
Texte de Robert Roger :
Chanson non attribuée :
  • Chanson du stalag IB, volontiers paillarde