Clin d'œil
Et le SOT devint STO
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Début 1942, on recense environ 60 000 travailleurs français sur le territoire allemand. Mais la puissance occupante considère cette main d’œuvre insuffisante pour maintenir à flot son économie de guerre. La promesse d’un salaire élevé pour un emploi dans les terres ou dans les usines d’armement ne rencontre pas un vif succès auprès d’une population française peu enthousiaste à l’idée de travailler pour le IIIe Reich.
À la demande de l’Allemagne, le régime de Vichy crée en septembre 1942 un service national du travail qui instaure la conscription obligatoire pour tous les hommes de 18 à 50 ans et pour les femmes célibataires âgées de 21 à 35 ans. En février 1943, la France complète ce dispositif avec la mise en place du Service obligatoire du travail (SOT). Raillée en raison de la signification de l’acronyme, cette mesure coercitive du gouvernement Laval est rebaptisée Service du travail obligatoire (STO). Elle cible avant tout les jeunes gens ayant atteint leur vingtième année en 1940, 1941 ou 1942. Certaines catégories de personnes échappent à la réquisition forcée : les Alsaciens-Lorrains ; les Algériens et les colons d’Algérie ; les anciens combattants de la Légion ; les jeunes des chantiers de jeunesse ; les rapatriés de Syrie, du Liban et de Tunisie ; les Juifs ; les soutiens de famille ; les militaires des armées de terre, mer, air ; les individus membres des services météo, les étudiants… La liste n'est pas exhaustive.
L’exécution du STO est gérée localement par la préfecture qui s’appuie sur l’Office de placement allemand pour le recrutement et l’établissement des contrats de travail ainsi que sur la gendarmerie et la police, en particulier pour la traque des réfractaires (circulaire du ministre de l’Intérieur René Bousquet). Quelles postures vont adopter les autorités et la population vauclusiennes à l’égard de cette déportation de travail ?
Lorsque les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation fin 1942, un grand nombre de soldats s’installent dans le Vaucluse. En janvier 1943, ils sont rejoints par un contingent d’Italiens. Si on relève 40 localités occupées, les chassés-croisés continus rendent impossible un chiffrage précis des hommes. On note toutefois que les Allemands sont plutôt stationnés à Avignon, Cavaillon et Pertuis et les troupes de Mussolini sur la commune d’Orange.
Leur présence marquée et les exhortations à l’embauche de masse mettent sous pression le préfet contraint d’accélérer le recrutement pour le travail forcé. Dans le département, on dénombre 931 immeubles réquisitionnés dont celui sis au 1 bis rue de Grivolas à Avignon qui abrite jusqu’à fin 1943 l’Office de placement allemand. Dans le courrier (ci-contre) qu’il adresse au préfet le 29 décembre 1943, le bureau de recensement ordonne dans le cadre de l’Organisation Todt*, « la fourniture » d’un contingent de 800 cultivateurs avant la date butoir du 8 janvier 1944. Un motif de plus -s'il en était besoin- d'aviver l’hostilité de la population.
Les Français qui font le choix de se soustraire au STO sont répartis selon deux critères : les insoumis qui n’ont jamais été recensés et ne se font pas connaître et les réfractaires qui ne se rendent pas aux convocations organisées la plupart du temps à la caserne de Salles à Avignon. Les uns comme les autres font alors le choix d’une clandestinité sévèrement réprimée. Ils sont recherchés par la gendarmerie et la police et leurs noms sont rendus publics à l’instar de cet encart dans Le Petit Vauclusien. Le taux de réfractaires dans le département est estimé à 20%. Parmi eux, une minorité va grossir les rangs du maquis Ventoux tandis que d’autres sont arrêtés ou bénéficient de l’oubli de l’administration.
Les conséquences du travail obligatoire ? Il eut évidemment un effet délétère sur l’activité économique du département, comme partout dans le pays, mais il a aussi renforcé le sentiment patriotique. La main d’œuvre extraite de la jeunesse vauclusienne a exacerbé le rejet du régime de Vichy au profit d’une adhésion à la Résistance. Plus tard, à la différence des résistants, les requis involontaires du STO et dans une moindre mesure les réfractaires non maquisards, peineront à se faire une place dans la mémoire nationale.
* Organisation Todt : groupe de génie civil et militaire de l’Allemagne nazie du nom de son fondateur et dirigeant jusqu’en 1942, Fritz Todt. Dans le cadre de ses grands projets de construction, l’Organisation a eu massivement recours au travail forcé.
Bibliographie :
Rodriguez (Yannick), Le S.T.O. en Vaucluse, Études comtadines, 2006, 176 p.