Clin d'œil

Femmes au volant...

Si la recherche dans nos fonds de la première Vauclusienne ayant obtenu son permis de conduire ne donne malheureusement pas de réponse, la poignée d’archives conservées offre en filigrane les discrets frémissements de l’émancipation féminine avec en prime, une sympathique anecdote.

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Le certificat de capacité à la conduite voit le jour à Paris à la fin du XIXe siècle en raison de de la recrudescence du nombre de véhicules sur les voies de circulation. Il faut attendre 1921 pour une première version du code de la route et c’est en 1922 que le permis de conduire, de ce rose si caractéristique, fait son apparition. Il faut être âgé de 18 ans –et non 21 ans comme auparavant- pour prétendre à l’examen qui combine questions orales sur le code de la route et pratique de la conduite. La première femme à avoir décroché son permis de conduire serait la duchesse d’Uzès en 1898 mais c’est surtout à partir de 1922 que les premières demandes à l’examen formulées par des femmes parviennent en préfecture.

Les registres de permis de conduire (ou de circuler) n’ont pas été versés aux archives départementales de Vaucluse, ils sont encore en préfecture. Seules quelques demandes de permis de conduire ou de duplicata ont été conservées en sous-série 2 S. Parmi cette trentaine de dossiers dont la plupart recèlent des photos d’identité, trois seulement émanent de la gent féminine. Le premier est le renouvellement d’un permis obtenu en 1928, le second date de 1938 et porte sur une demande de permis poids-lourds et le troisième est un échange de courriers sur un litige. Notre choix s’est porté sur ce dernier.

Dans la chronologie de la correspondance, le 2 mars 1939, un "Inspecteur du service des examens pour la conduite des automobiles dans le Vaucluse" inquiet, adresse un courrier au préfet du département. Il narre dans les détails l’altercation qui l’a opposé à une candidate ainsi qu’à son mari. Il aurait recalé cette dernière la fois précédente au motif d’une méconnaissance de la signalisation routière. Or, Mme Elisa G. soutient que son permis lui aurait été refusé parce qu’elle n’aurait pas su répondre à la question : "combien y-a-t-il de routes départementales en France ?". L'inspecteur, s’élevant contre cette assertion, doit désormais faire face à la colère de l'époux. M. G. le menace et lui promet de porter le scandale en "haut lieu". L’examinateur, touché dans son "honorabilité professionnelle", s’inscrit en faux et dénonce une scène devant des candidats propre à "porter préjudice à la profession".


L’affaire ne s’arrête pas là puisque c’est au tour de Mme Elisa G. de donner sa version des faits dans un courrier au préfet daté du 19 mars. On y lit qu’elle échoue pour la quatrième fois et qu’elle s’interroge sur le bien-fondé d’une question portant sur les fameuses routes départementales dont la réponse, dit-elle, ne figure sur aucun code de la route. Si l’aspirante conductrice évite de mentionner la présence de son époux, elle évoque bien avoir "eu un tac-tac avec l’inspecteur" et souligne le caractère impérieux d’un permis essentiel à sa profession de cultivatrice.


Insensible aux suppliques de Mme G., le représentant de l’État indique dans un brouillon de lettre du mois de mai suivant, qu’il ne lui appartient pas de régler ce litige et qu’en tout état de cause si elle souhaite passer le permis, elle doit formuler une nouvelle demande. Nous ne savons pas à ce jour si Mme G. a enfin réussi son permis.  


À la lueur de cette petite histoire, force est de constater que les inspecteurs du permis de conduire sont confrontés depuis longtemps aux déceptions de candidats ayant échoué à l’examen. À tel point qu’aujourd’hui, aucun certificat de réussite ou d’échec au permis n’est délivré, il est transmis en différé pour protéger les examinateurs d’éventuelles incivilités.

 

 

   Et pour les chercheurs, une nouvelle page sur la recherche d’immatriculations et de permis de conduire