Clin d'œil

Lorsque Sarrians se nommait Marat

Un document éclairant sur l’exaltation républicaine et la destruction des symboles de la féodalité et de l’Église sous la Révolution.

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Sarrians connaît bien des vicissitudes durant la Révolution. Communauté d'habitants relevant du Comtat Venaissin, elle demeure à l’instar de Carpentras, fidèle au pape. Une position tout à fait contraire à celle d’Avignon, gagnée aux idées révolutionnaires. Dans ce contexte, patriotes et papistes n’ont de cesse de s’affronter. Le 19 avril 1791 a lieu la bataille de Sarrians qui oppose les Avignonnais aux Comtadins, sous la bannière de Sainte-Cécile. Il faut attendre la réunion à la France des deux États pontificaux prononcée par l’Assemblée nationale le 14 septembre 1791 mais surtout la création du département de Vaucluse le 25 juin 1793 pour étouffer la contre-révolution. Un période d’accalmie toute relative, en raison notamment de l’affaire de Bedoin qui survient durant l’épisode de la Terreur.

Lorsque le conseil général de la commune de Sarrians se réunit le 29 brumaire an II (19 novembre 1793), Alexis Vaton, premier officier municipal, préside l’assemblée en remplacement du maire absent Etienne Bonnet. Autour de lui, trois autres officiers municipaux, le procureur de la commune Simon Plantin et six notables. En délibéré, une pétition à l’initiative de la société populaire de la ville, qui entend remplacer le nom Sarrians par celui de Marat, du nom de ce député montagnard à la Convention, assassiné par Charlotte Corday le 13 juillet 1793.

« le conseil considérant toutes les vexations que les citoyens de Sarrians ont essuyé sous la féodalité et voulant détruire jusqu’au moindre vestige les marques [ces temp] de barbarie, le procureur de la commune ouie : arrête de changer le nom de Sarrians en celui de Marat ; d’en donner tout de suite connaissance à la Convention nationale, aux sociétés du département, aux journalistes ».

La seconde pétition à l’invite du comité de surveillance de Sarrians va encore plus loin. Elle préconise de « faire mettre une pyramide au milieu du cimetière avec cette inscription La mort est un sommeil éternel » et de dresser « une pyramide sur la place publique ou sera enfermée l’urne de Marat avec cette inscription ci-git Marat tremble tyran qu’il ne s’éveille ». Le comité prône en outre « d’abbatre tout marque extérieure de culte, tel que croix et statue » et « de faire murer toutes les portes des chapelles du territoire ». Pour affermir la République, l’organe révolutionnaire déclare que « les vertus civiques sont les seules qui décorent le citoyen ».  Reprochant les « pièges tendus par des prêtres fanatiseurs », il exige que les traitements accordés au curé et aux deux vicaires soient désormais versés à la République. La chasse aux marques de l’Ancien Régime doit se parachever par la destruction des titres de noblesse conservés chez les notaires.

De nombreuses communes furent renommées sous la Révolution. Dans le Vaucluse, Villedieu devint Côte Libre ; Saint-Didier, Pierre-Blanche et Saint-Pantaléon, Pantaly, il fallait bien cacher ses saints… À partir de l’an III, certaines communes françaises ont déjà repris leurs noms d’origine. En 1814, le roi Louis XVIII entérine irrévocablement le retour à l’ancien nom.

Sources

  • Abbé F. Bruyère, Recherches historiques sur Sarrians, 1996
  • Catalogue de l’exposition Mémoires républicaines en Vaucluse, Musée d'histoire Jean Garcin, Fontaine-de-Vaucluse du 20 mai au 19 septembre 2021 (Éditions de la conservation départementale).