Clin d'œil

Une rentrée qui fit du bruit

Le 4 juillet 1964, une explosion mortelle survient dans les séchoirs à penthrite de la poudrerie de Sorgues. Les conséquences de l’accident industriel vont-elles menacer le bon déroulement de la rentrée scolaire de 1964 à l’école les Bécassières ?

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En 1964, l’usine des poudres et explosifs a presque 50 ans d'existence. Elle doit sa création à l’effort de guerre national imposé par la Grande guerre. Les combats font rage et pour répondre à la demande vorace en armes, la commune de Sorgues propose au comité consultatif du ministère de la Guerre un terrain suffisamment isolé pour accueillir une fabrique de munitions. Dans sa séance du 28 novembre 1915, le conseil municipal vote la création d'une Poudrerie nationale au lieu-dit La Traille, entre 2 voies de communication bien utiles pour le transport : la route nationale 7 et le fleuve Rhône.


Aux prémices de la 2e guerre mondiale, afin de soutenir à nouveau l’effort de guerre, l’administration française prend des mesures coercitives pour recruter dans ses colonies. C'est ainsi que des travailleurs de la terre indochinois, cantonnés dans des baraquements de fortune à l'intérieur des camps des Bécassières, de Poinsard et de Badaffier, viennent grossir les rangs de la main-d’œuvre employée par la poudrerie. Ceux qui ne rentreront pas au pays vont contribuer au développement de la population sorguaise.

Après-guerre, l’entreprise, grande pourvoyeuse d’emplois, continue d'attirer la main-d’œuvre. Et dans cette France des "Trente Glorieuses", la natalité est en hausse. La courbe démographique se redresse. La nécessité de construire des écoles pour accueillir ces enfants s’impose progressivement aux collectivités. À proximité de la poudrerie, les quartiers ouvriers avec leurs logements HLM semblent tout indiqués pour l’implantation d’une école. Dès 1955, le projet se dessine. L’avis favorable de l’architecte en chef du ministère de l’Éducation nationale début 1957 soutient l’initiative sorguaise. La municipalité envisage alors pour l’établissement de son groupe scolaire l’acquisition d’une parcelle appartenant à la Poudrerie nationale au camp des Bécassières.

 

Le projet de l’école les Bécassières prend forme dans la délibération du 23 mai 1957. La 1re tranche des travaux prévoit la construction de trois classes avec un logement pour le personnel. Au programme de la 2e tranche, il est convenu de réaliser deux bâtiments supplémentaires avec trois classes pour l’un et deux logements de fonction pour l’autre. Les enseignants et leurs écoliers font leur rentrée inaugurale en 1958. Un permis de construire pour un projet d’extension de 4 classes supplémentaires est approuvé par la préfecture de Vaucluse en 1959. L’année suivante, c’est la construction d’un réfectoire en préfabriqué qui est à l’étude. La petite école de quartier a bien grandi. Les nombreux dossiers d’extensions et d’aménagements successifs témoignent du besoin, après le baby-boom et à l’aube de la décolonisation, d’accueillir une population scolaire en plein croissance.

 

Il n’est pas tout à fait 11 h ce samedi 4 juillet 1964 lorsqu’une énorme explosion retentit en périphérie de Sorgues. Son souffle est tel qu’il est ressenti dans les centres-villes des villes voisines. Les témoins ont cru un instant qu’il s’agissait du crash d’un de ces avions de chasse de la base aérienne 115 d’Orange-Caritat qui survolent fréquemment la zone industrielle. Il n’en est rien, c’est la poudrerie qui vient d’exploser !


L’explosion meurtrière de la poudrerie en 1964 inquiète d'autant plus qu'elle a causé des dommages sur les bâtiments publics. La lecture du rapport de l’Inspection académique dressé le 23 juillet a de quoi alarmer : l’hôtel de ville, l’appartement du jardinier, l’école maternelle, l’école publique de garçons, l’école publique de fille et le C.E.G. ont été touchés mais l’établissement le plus impacté par le souffle est celui de l’école les Bécassières. Toutes les classes et les logements des instituteurs ont subi des dégâts. Sont-ils de nature à compromettre la rentrée scolaire nationale fixée au 18 septembre ?

Cet été 1964, les artisans ont dû travailler d'arrache-pied pour réparer les dégâts et consolider l’école dans les temps. Le Provençal, dans son édition du vendredi 18 septembre 1964 informe du report exceptionnel de la rentrée des classes pour l’école des Bécassières : seulement trois jours de répit pour les élèves de la maternelle et du primaire qui feront finalement leur rentrée le 21 septembre.

 

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