l'état-civil moteur de l'intégration ou instrument de discrimination
Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.
Préambule de la Constitution de 1946, art.1
L’état civil moteur de l’intégration…
À la fin de l’Ancien Régime, l’Assemblée nationale transforme la situation juridique des Juifs dans la société française. Le décret du 28 janvier 1790 assure aux Juifs « portugais, espagnols et avignonnais » la jouissance de leurs droits précédemment acquis par lettres patentes et, en conséquence, des droits des citoyens actifs, pour peu qu’ils remplissent les conditions requises par les décrets de l’Assemblée. Cette première mesure s’inscrit encore dans la perspective d’une société constituée en corps, et exclut une partie de la communauté juive, de Paris et de l’Est de la France notamment.
L’émancipation des Juifs est acquise par le décret du 27 septembre 1791, qui annule les textes réglementaires régissant précédemment la vie des Juifs et les considère non plus comme un corps particulier au sein de la société mais à titre d’individus.
Cependant il faut attendre la première décennie du XIXe siècle et l’Empire pour que soit traitée, dans le contexte de la réorganisation religieuse de la France, la question de l’enregistrement des Juifs à l’état-civil. Plusieurs points, particuliers à la communauté juive devaient être réglés : le port d’un nom de famille, le caractère licite du mariage mixte et le divorce. Jusqu’à cette date en France et selon la tradition, ni les naissances, ni les mariages, ni les décès ne devaient faire l’objet d’un enregistrement spécial dans les communautés juives. À Avignon et dans les trois carrières du Comtat, la tenue de registres avait été ordonnée dès 1763 par l’inquisiteur du Saint-Office mais la mesure fut appliquée sans grande rigueur.
Le décret impérial du 20 juillet 1808 dit « de Bayonne » impose aux Juifs, n’ayant jusqu’alors ni nom de famille ni prénom fixe, de faire individuellement dans un délai de trois mois, par devant l’officier d’état civil de la commune de leur domicile, la déclaration des noms et prénoms qu’ils adoptent pour eux et leurs enfants mineurs.
… ou instrument de discrimination
Durant la période de l'Occupation allemande, le régime de Vichy édicte plusieurs lois sur le statut des Juifs, qui marquent un retour à une perspective catégorielle de la société, manifestée d’abord par l’apposition obligatoire de la mention « juif » sur les papiers d’identité (loi du 11 décembre 1942, article 1).
Ces lois ont été « constatées » comme étant nulles et non avenues par l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine.
Ill. :
Décret impérial pour l’état civil des Juifs. 1808 (AD Vaucluse 9 J 21)
Déclaration d'adoption de noms de famille par les Juifs d'Avignon, en vertu du décret impérial du 20 juillet 1808 (AD Vaucluse 1 E 7/ 61 bis)
Déclaration d'adoption de noms de famille par les Juifs d'Apt, en vertu du décret impérial du 20 juillet 1808 (AD Vaucluse 1 E 3 /24)
Tribunal correctionnel d’Avignon, dossier de condamnation et carte d’identité des époux Blum (AD Vaucluse 30 W 59)
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